Alors commence entre les deux jeunes femmes une interminable discussion ; les étoffes qu’elles ont achetées n’ont pas la couleur qu’elles désirent ; il faudra les passer dans une teinture ocre ou rouge ; Mi-Satirn va chercher les citrons, Neak prépare les poudres jaunes ou rouges qu’elle possède ; des mixtures sont bientôt faites, filtrées dans un mouchoir ; les étoffes, aussi bien les neuves que les vieilles, qui se trouvaient pliées dans l’armoire, sont passées dans le mélange, une fois, deux fois, dix fois. Et, sur les fils de fer, près de la cuisine où l’on voit parfois sécher la lessive du linge européen, flottent bientôt tous les morceaux d’étoffe des jeunes femmes : des sampots, des vestes longues, des écharpes, se colorant de tous les tons, du jaune serin au rouge sombre, pas un identique au suivant. Le prochain lavage pâlira la teinte donnée à ces vêtements, qui retrouveront sous peu, dans un nouveau bain colorant, leur fraîcheur primitive, dans des nuances nouvelles. Et toute la journée, sous les vérandas, ce seront des conciliabules entre les femmes qui discuteront longuement la qualité des étoffes et les prix qu’elles les ont payées, car les moindres faits prennent aux yeux de ces populations simples une importance que nous ne leur accorderions pas.